
dans son costume d’Armailli.
« Un agriculteur vaudois chantera le rang des vaches à la Fête des vignerons 2019.
Article de Mathilde Hans-Moëvi dans le magasine La Vache-Mère 2/2019. Merci à elle d’avoir accepté de mettre à disposition son article pour présenter Nicolas Flotron. 🙂
Nicolas Flotron a converti son exploitation aux vaches mères en 2017. Il exploite un domaine de 47 ha de SAU de grandes cultures, maraîchage, arbres fruitiers et herbages à Forel (Lavaux). À côté de l’agriculture, il est également chanteur et musicien. Cet été, il aura la chance de participer au spectacle de la célèbre Fête des Vignerons pour y entonner le Ranz des vaches.
Nicolas, dont le sourire et les yeux rieurs illuminent votre journée, est un amoureux de la vie avec un entrain et une énergie débordante communicatifs. Il a grandi sur l’exploitation de ses parents à Forel, à 720 m d’altitude dans la zone des collines, exploitation qu’il a reprise en 2014. Il est l’aîné d’une fratrie de trois et c’est le seul qui a choisi la terre pour en faire son métier. Il a fini son CFC agricole en 2003, dont il a fait la partie pratique entièrement en Suisse alémanique à Berne (Wimmis et Liebewil), et la partie théorique à Grange-Verney (Moudon). Il a poursuivi avec l’armée, dans la fanfare militaire (bien sûr 🙂 ).
Il a obtenu, en 2007, la patente arboricole après deux ans d’études à Marcelin et, en 2008, le brevet fédéral d’agriculture à Grange-Verney. Il a fait presque tous les cours donnant droit à la maîtrise fédérale, mais a finalement renoncé à écrire le mémoire de fin d’études. Cela ne l’empêche pas d’être aujourd’hui chef expert aux examens de CFC/AFP agricole.

L’exploitation et les cultures
En reprenant la ferme, il a également repris le marché les mardis et samedis à Vevey, ce que ses parents faisaient déjà avant lui. Il aime beaucoup le contact avec les gens, la vente directe de ses produits et ses clients fidèles dont les retours positifs lui font plaisir. Il prépare également 70 paniers de légumes par semaine que les clients viennent chercher à la ferme. Il est aidé dans son travail par deux apprentis de 2e et 3e année, une employée à mi-temps ainsi que ses parents. Comme son père avant lui, il est associé à un paysan du village dont la fille a repris l’exploitation cette année.
Et qu’est-ce qu’on trouve au marché et dans les paniers justement? Cette année, Nicolas a 70 a de légumes plein champ où poussent pommes de terre, oignons, carottes, courges, courgettes, pâtissons, cornichons, melons, pois croquants, etc. Il a également 800 m2 sous tunnel pour les salades d’hiver (doucette et scarole) et pour les tomates, aubergines, poivrons, concombres, salade à tondre, radis et plusieurs plantes aromatiques le reste de l’année. Les fruits sont également à la fête sur cette exploitation avec 20 a intensifs d’arbres fruitiers et environ 140 arbres haute tige. On trouve des pommes, des poires, des prunes, des pruneaux, des noix et des cerises. « Tout ce qui pousse chez nous. Ce que je n’ai pas, ce sont les pêches et abricots parce que ça ne marche pas très bien. J’ai essayé, mais sans succès », dit Nicolas en rigolant.
Ce qu’il ne produit pas chez lui, Nicolas l’achète à des producteurs de la région pour ses paniers et pour les marchés, notamment des carottes de toutes les couleurs, des panais, des raves, des poireaux et bien plus encore. Last but not least, Nicolas a planté cette année 9000 tulipes qu’on trouvera sur les marchés de printemps-été.
Sur les hectares restants, Nicolas cultive 6 ha de maïs, 4 ha d’orge, 4 ha de blé panifiable, 3 ha de colza et environ 2 ha de prairies temporaires. Le reste est composé de prairies de fauche et de pâturages pour ses vaches.

Le passage aux vaches mères
Jusqu’en 2017, Nicolas et son associé (Roger Cordey) avaient 60 vaches laitières et produisaient pour l’industrie. Du fait de la situation du marché du lait d’industrie, une remise en question s’est imposée. En effet, entre le travail important et les conditions de vie qu’imposent les vaches laitières, la motivation n’était plus au rendez-vous. Le marché de la viande semblant stable et prometteur, ils se sont demandé si les vaches allaitantes seraient adaptées à leur exploitation et, si oui, comment et à quel prix. Nicolas s’est donc tourné vers Vache mère Suisse pour un conseil personnalisé et a également visité, avec son associé, plusieurs exploitations de vaches allaitantes, avec différentes races pour se faire une idée. En février 2017, l’assemblée générale de la société de laiterie, les associés ont annoncé qu’ils arrêtaient le lait dans le courant de l’année.
Le passage aux vaches allaitantes a été progressif. Les exploitants ne voulaient pas passer aux vaches mères à partir de leur propre troupeau, car cela aurait demandé trop de temps pour pouvoir livrer les premiers animaux dans les labels de Vache mère Suisse. Ils ont donc acheté des génisses portantes à des particuliers, à Urs Jaquemet (VIANCO), ainsi qu’à une mise à Brunegg et à l’exploitation vitrine d’à côté. Les premières génisses sont arrivées en avril 2017. Ils ont vendu petit à petit leurs vaches laitières pour acheter des génisses portantes. Les dernières laitières sont parties en septembre 2017. Aujourd’hui, Nicolas et Roger ont 50 vaches mères.

En ce qui concerne l’élevage, les remontes proviennent de l’exploitation, toutes les belles génisses sont gardées. Les vaches sont saillies par le taureau « Torino » et les génisses sont inséminées par l’exploitant. « Ça permet de garder le taureau plus longtemps et aussi d’amener une autre génétique par des taureaux testés, je trouve ça intéressant. J’avais fait le cours d’insémination en 2011 pour les laitières, donc comme j’ai le matériel et le savoir-faire, je le fais moi-même ».
Pourquoi les Simmental ? Nicolas et Roger ont choisi la race Simmental pour différentes raisons. La première, c’est qu’ils avaient un peu peur d’avoir des bêtes craintives comme c’est la réputation pour certaines races 100 % à viande. Le caractère plus calme des Simmental leur a plu. Ensuite, au niveau du format, cette race était assez proche des vaches laitières qu’ils avaient avant, au niveau de la couleur notamment. Nicolas ajoute aussi avec un sourire: « et parce qu’elles nous plaisent bien, quand même ». Enfin, ayant toutes les installations pour faire du maïs d’ensilage, ce fourrage était bien adapté à la race.
Justement, en ce qui concerne l’affourragement, les vaches et les veaux reçoivent de novembre à mi-avril un mélange de foin, de regain, d’ensilage d’herbe et d’ensilage de maïs, distribué à la mélangeuse. Du printemps à l’automne, les vaches pâturent, mais reçoivent également le même mélange à la crèche. En effet, elles sortent la journée et dorment la nuit à l’intérieur. Sauf s’il fait chaud en été : là, c’est le contraire pour éviter les mouches et les taons.
Au pâturage comme à l’étable, les animaux sont séparés en trois groupes : 1) les naissances jusqu’à 1,5-2 mois ; 2) le groupe avec le taureau pour être inséminées ; 3) une fois portantes, elles constituent le «groupe 3» où il y a les gros veaux.

Une remarque personnelle quant à l’élevage allaitant ?
Nicolas ne regrette pas d’avoir converti son exploitation à l’élevage allaitant. L’amélioration des conditions de vie n’est pas négligeable, l’aménagement du temps libre est agréable, surtout quand on a beaucoup d’activités annexes comme lui. L’une de ses peurs était de perdre le contact qu’il avait avec ses vaches
laitières. Aujourd’hui, il est content de constater que ses vaches sont toujours des grosses « peluches », qu’il les aime autant que celles qu’il avait avant, qu’il peut les caresser à volonté et qu’en passant du temps dans les box, avec les veaux et les vaches, il est possible d’avoir un contact pratiquement aussi rapproché
qu’avec des vaches laitières. « On les fait comme on est avec elles », dit-il.
Pour lui, l’élevage allaitant, bien que moins contraignant et plus souple au niveau du travail, demande tout de même un suivi continu et une présence à l’écurie, notamment pour le repérage des chaleurs et l’observation de l’accroissement des veaux. Et puis : « les vaches aiment bien nous voir aussi », ajoute-t-il avec un sourire.

Agriculteur, mais pas que…
En entendant sa voix douce et mélodieuse – il est ténor –, on comprend pourquoi il a été retenu pour faire partie du collectif de onze chanteurs qui chantera cet été l’hymne folklorique fribourgeois incontournable, le Ranz des vaches, à la Fête des Vignerons.
La musique, Nicolas l’a dans le sang. Il commence à jouer de l’euphonium à 7 ans à l’école de musique de la fanfare de Forel. Il a joué dans la fanfare de 1998 à 2015. Avec son instrument, il fait également partie depuis 2008 du Divert’in Brass, un ensemble de cuivres regroupant une trentaine de musiciens, qui produit des concerts et spectacles divertissants. Il joue aussi avec la Concasseuse, un groupe folklorique qui divertit entre autres les abbayes, les repas de soutien, les anniversaires, etc.
En 2012, au lieu d’écrire son travail de maîtrise agricole, Nicolas décide de s’inscrire au Conservatoire de Lausanne pour prendre des cours de chant dans la section comédie musicale. Il aime chanter et souhaite se former ; il prend donc deux cours par semaine, un en groupe, l’autre individuel. Il arrive cette année au terme de sa formation. Il aura fait 7 ans de cours de chant.

Nicolas prêt à « attaquer » une audition au Conservatoire de Lausanne.
Comment en arrive-t-on à être retenu, en tant que Vaudois, à chanter le Ranz des vaches à la Fête des Vignerons ? En 2014, Nicolas a participé, avec le Divert’in Brass, à une émission de la télévision alémanique « Kampf der Orchester ». Lors de la deuxième émission, le groupe a réalisé un show traditionnel pour lequel le directeur a mis le Ranz des vaches au programme. Nicolas s’est donc retrouvé, selon son souhait, à chanter cette chanson en direct à la télévision.
Au moment des inscriptions des artistes à la Fête des Vignerons, cherchant à obtenir un rôle de chanteur soliste, il s’est inscrit en décrivant tout ce qu’il savait faire : euphonium, alto mib et chant. Il dit en riant : « Ils m’ont d’abord proposé un rôle de percussionniste, je me suis demandé si c’était une blague ». Après discussion avec l’un des responsables des musiciens, il accepte une place à l’euphonium dans l’orchestre.
Quelques mois plus tard, l’annonce du casting pour le Ranz des vaches paraît dans le journal. Il ne l’a pas vu lui-même, mais a reçu de nombreux messages de ses proches lui envoyant l’article et lui disant que ce rôle était pour lui. Il reçoit une réponse positive à son inscription et une convocation pour la première audition où 42 chanteurs étaient retenus. Le directeur de casting a fait savoir qu’il ne cherchait pas un soliste, mais neuf à douze pour composer un collectif. Là, Nicolas reprend confiance dans sa chance. Deux jours après, il reçoit une lettre l’informant qu’il est dans les 19 restants, et qu’il est convoqué pour la deuxième audition. Celle-ci est moins stressante, car elle est faite en groupe, comme ce sera le cas lors de la Fête. Après une semaine d’attente, le sésame arrive, l’informant qu’il est retenu. Il doit garder la nouvelle secrète pendant trois semaines jusqu’au communiqué de presse, seule sa famille est mise dans la confidence. Ce sera donc un choeur d’hommes composé de onze chanteurs : dix Fribourgeois et Nicolas.

Vœux pour le futur
Nicolas aimerait obtenir des rôles dans différents spectacles de chant, plutôt des comédies musicales, ou passer des castings qui lui plaisent. Son but est de continuer à chanter tout en faisant toujours de l’euphonium. Grâce à la Fête des Vignerons, il est déjà engagé pour un projet le printemps prochain. Il a également un projet cet automne à la Grange à-Pont chez Barnabé comme chanteur. Par contre, partir à l’étranger n’est pas une option, parce qu’il est très attaché à son exploitation : « J’ai besoin des deux pour vivre, pour trouver mon équilibre. J’ai besoin de pouvoir cultiver mes courgettes, ma salade à tondre, faucher les foins, donner à manger aux vaches et chanter ».
La vente directe est pour lui la principale direction qu’il souhaite suivre et il aimerait la développer encore davantage dans le futur, notamment en vendant de la viande, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui, et en élargissant le nombre de produits de l’exploitation. Il est reconnaissant d’avoir déjà un «pied dedans» avec les marchés, que sa grand-mère a commencés en 1972. La demande est là, que ce soit de la part de ses clients fidèles ou des gens en général.
Et pour finir sur une note plus personnelle, Nicolas, qui est célibataire, souhaite rencontrer un partenaire pour partager sa vie et ses passions.
